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Quatre morts par foie-gras, foi de canard gras, on n’a jamais vu ça.

Brussels Airport. Nick Malva, jeune commissaire à la Brigade Européenne de Lutte contre la Criminalité Alimentaire, démarre sa deuxième enquête. La première avait concerné un sujet atypique : les embarras gastriques du Roi de Belgique. Consommé durant tout l'été, le Ice Tea fortement coupé de Forlax sera rapidement identifié et un livreur des Brasseries Smets arrêté au cri de “Wallonie République !” La descente sur Pau annoncée, le commissaire termine la lecture du rapport de mission : Janine et Jean Merlot, Pierre Vut, Solange Luzerne, décédés après absorption d'un foie-gras de canard mi-cuit farci au cyanure. Un foie-gras des établissements Crazy Duck à Saubusse dans les Landes dont le gérant est Yan Cazanbeau, 38 ans, pacsé à Narcisse Laviotte, directeur du Nid de Cupidon. Le rapport signale une condamnation du gérant à 6 mois pour tentative de viol avec violences sur J.P. dit "Rouflaquettes". Un adolescent en moule-bite consentant aux premières caresses puis se rebiffant que Cazanbeau gifle violemment ouvrant de sa montre en acier une plaie à la tempe.

Le commissaire Malva quitte l’autoroute à Peyrehorade où une publicité pour le Big Scandi l’invite à une halte MacDo. Vingt minutes de queue plus tard, attablé face à deux ados quiksilvérisés de la tête aux pieds, le commissaire glisse à tout hasard : « Vous connaissez le Nid de Cupidon ? » Réponse entre deux rots de soda : « Une boîte pour vieux qui s’échangent leurs meufs. » Retour dans la Corsa, l’estomac brassant aneth et malossols, le commissaire s’interroge sur l'affaire. Représailles, jalousie ou acte d’un fou ?... d'autant plus singulier que pour le commissaire le foie-gras est gage de félicité, préambule idéal aux siestes crapuleuses en compagnie d’amantes souvent grand-mères. Son trip au commissaire c'est titiller la libido des aînées dans des histoires épicées d’adultère. On l’appelle du bureau de Bruxelles pour lui dire qu’une employée de Crazy Duck, Céline Castets, a été retrouvée morte assassinée. Vingt minutes plus tard, face à un entrepôt jaune décrépit, le commissaire aperçoit un individu, portable à l'oreille, tapant du poing sur la vitre. C'est Cazanbeau le gérant de Crazy Duck : grand, maigre, cheveux noirs gominés. Nick Malva est lui tout moyen d’allure apaisée, l’habit neutre siglé d’un reptile tennistique. A l'issue de l'entretien le commissaire concluera que Cazanbeau a réponse à tout… et avec quel aplomb ! Le foie-gras : pas concerné, Céline : une traînee, l’adolescent violé : un paumé. On convient de se revoir le lendemain. La nuit tombant, le commissaire Malva se dirige vers son hôtel. Halte en centre-ville pour une pizza à emporter. Dans la chambre, il renoncera vite à cet étouffe-chrétien se glissant sous la couette avec Sud Ouest. Bientôt la presse fera ses choux gras d’un foie-gras.

Tôt le lendemain, le commissaire affamé attaque le petit-déjeuner dans une salle à manger animée. Les éboueurs au casse-croûte s’échauffent : « C’était Céline couches-toi là... le Cazanbeau il a déjà l’affaire Rouflaquettes au cul. » A bon entendeur salut… Malva qui ensuite se rend sur le lieu du crime : un ponton entaché de sauvagerie offrant une vue panoramique sur un miroir d'eau bordé de pins. Là, le commissaire affiche sur son portable les photos de Céline Castets prises par les gendarmes. Entravée à hauteur des seins et des cuisses dans une posture obscène comme sacrifiée. Arrêt à la maison de la presse. En une de Sud Ouest, le drame du foie-gras avec portrait de Cazanbeau entre deux blondes bimbos. Des silhouettes à l'opposé de celle d'Huguette son aubergiste : la soixantaine, ronde, ferme et rousse, son cœur de cible. Arrivé chez Crazy Duck pour son rendez-vous avec Cazanbeau, le commissaire voit s’avancer vers lui une armoire à glace en ébène avec accessoires dorés. C’est Narcisse Laviotte, le compagnon martiniquais de Cazanbeau, très fébrile. Il est là… et pas au Nid de Cupidon à la veille de sa grande nuit Lully.

Il plaidera longuement, face à un commissaire stupéfié, l'originalité de sa chorégraphie du faste Grand Siècle au service du libertinage. Un ballet en cinq actes : prémices / sodomie / triolisme / méli-mélo / fouettement. Dans Atys, il est le Roi-Soleil orchestrant une partouze de notables. C'est qu'on s’amuse à Saubusse : un géant des Caraïbes en Louis XIV entreprenant en levrette, aux sons des Arts Florissants, Francine la pharmacienne minaudant en Cybèle. Et le pourquoi de l’absence de Cazanbeau ? Un coup de fil qu'il a reçu dans la nuit : « Tu vas payer pour Céline ».

Narcisse Laviotte est un homme toujours pressé mais qui, là, prend le temps de s’épancher sur sa rencontre avec Cazanbeau. C’était il y a deux ans à Fort-de-France lors d’une soirée karaoké spécial Dalida. Trois jours de harcèlement feront craquer le grand noir qui finit “besame mucho” dans le lit du blanc électrisé. Ils rentrent en France où très vite Cazanbeau, à voile et à vapeur, retrouve son appétit de prédateur… jusqu’à cette tentative de viol sur mineur. Le commissaire, repu de chorégraphie scabreuse et de fureur homo, trouvera prétexte à s’échapper dans les SMS à consulter. Parmi eux : « Céline Castets est morte étranglée ». Pour le légiste, le décès remonte à six heures avant la découverte du corps. Des ecchymoses nombreuses à l’arrière des cuisses par objet contondant. Cazanbeau de son côté ressasse furax le coup de fil de la nuit. Il avait bien baisé Céline Castets trois ou quatre fois… mal. Des nuits très arrosées. Une fille sexuellement frustrée mais friande de son côté noceur. Il l’avait jetée. S'est-elle vengée ? C’est vrai qu’elle seule parmi les employés avait la clef, qu'elle était restée plusieurs fois après fermeture au motif d’expéditions en retard. Et morte maintenant. Trop pour Cazanbeau qui veut se barrer malgré l’injonction des gendarmes à ne pas s’éloigner. Un coup de fil de sa mère va l’aider. Avec l'accent pied-noir qui sied aux éplorés elle le supplie de venir. Au volant de l’Audi, Queen à fond, Cazanbeau file alors vers Arcachon. Sur la route, il pense à Céline qu’il a probablement choquée tendant un miroir sur sa frigidité. En tout cas, ce n’était pas aux clients d’en crever !

L’évocation par Narcisse Laviotte des galipettes Grand Siècle a creusé l’appétit du commissaire Malva qui d’un coup d’œil à l’écriteau de l’auberge se rassure. Ce sera râble de lièvre et tiramisu. Le commissaire voit Huguette encadrée dans la vitrine, le regard fixe : un Botero. Attendant de la saluer, le commissaire est perturbé par une vive discussion à la table voisine sur la mort d'un lac auquel le financement a manqué pour se régénérer. En hyper-entropie, le pauvre. C’est incantation sur incantation en langage savant pour plaindre l’indigent : oligotrophe, macrophyte… « La recette du lièvre est de Jean, mon défunt mari. » : C'est ainsi que Huguette s'introduit. Le commissaire ignorera que Jean est mort bêtement d’une embolie un après-midi au stade.  Canicule, déjeuner arrosé et fébrilité supportrice funestement ligués.

Plus décidée à chaque service, Huguette frôle de la hanche l’épaule policière. Visiblement il y a urgence, une tranche de vie de veuve à consommer. Mais le portable va stopper net l’échauffement. La teutonne de Cazanbeau a été flashée à 10h15’ sur la nationale. Une injonction à résidence violée à 190 km/h ! Le commissaire transmet ses requêtes : surveillance permanente de Laviotte pour localiser son compagnon, perquisition du domicile de Céline avec enquête de voisinage. Avançons : quatre morts par foie-gras empoisonné, une Céline martyre frustrée, une chaude veuve décidée… le tout entre dunes et landes où s’agitent gays noceurs et bourgeois partouzeurs sur des airs de Lully. Sapristi.

Malgré le froid mordant, le commissaire Malva s’est résolu à une promenade digestive rythmée d’impérieuses régurgitations faisandées. Huguette lui avait parlé d’un sentier, sa promenade préférée. Tracé dans les dunes anciennes du Marensin, il mène ondulant à l’océan. Malicieuse, elle lui avait demandé d’observer le chêne-liège qui enroule ses branches autour du pin signifiant ainsi son refus d’un avenir solitaire. Message reçu. De son côté, Narcisse Laviotte était rentré stressé au Nid de Cupidon. La préparation d’Atys l’obsède. Cet après-midi, on livre les habits de notables et les nuisettes pour soubrettes. Il est agacé Narcisse car Yan l’a informé de sa fuite chez sa mère. Décidément incontrôlable. Lui revient son compagnon dans “Le 121ième jour de Sodome”, une précédente chorégraphie. Il avait culbuté dans les buissons Manu sculpteur sur bois flotté déguisé en Suzon. Heureusement, le Nid de Cupidon est isolé pour une clientèle gérant ses turpitudes en toute discrétion. Malgré tout dans le pays rebondit l’écho d’un prochain scandale. Narcisse Laviotte sait le temps compté : Lully et puis salut… Il quittera Yan définitivement trop remuant. C’est en se baissant pour prendre la gamelle de Koloss que Narcisse sent un objet froid dans la nuque.

… un Luger P08, une antiquité. L’homme menaçant est Manu,  le frère de Céline Castets, sergent au 8ième RIPA. Il cherche Cazanbeau pour le buter. Agenouillé front contre terre, Laviotte est convaincu que ce barjo en treillis est capable du pire. Il va collaborer et à Yan le mener. Dans la 911 filant vers Arcachon, bien que crispés, on fait connaissance. Et au final, ce fringant militaire est pas mal. Narcisse Laviotte le verrait bien en Celenus. Dans l'acte 2 d'Atys, saillant vaillant l’opticienne Chris il déclarerait : “Il faut tout un cœur pour Cybèle / A peine tout le mien peut suffire à l'amour”. Mais dans la voiture filant à grande allure, Manu exige soudain de parler à Cazanbeau : « Allo, ici le frère de Céline, rendez-vous à 22 heures au parking de la gare ». Au bout du fil, Cazanbeau enrage. Céline a donc un frère énervé qui veut lui parler dare dare à la gare sinon gare ! Il ira lui clouer le bec mais auparavant, en guise de stimulant, fera étape au club Le Minou où sa demi-sœur Lilly chauffe la barre. Une heure plus tard, station en vue, apercevant au travers d’un rideau d’eau le cabriolet fushia, Cazanbeau bondit, s’engouffre trempé côté passager. Au volant Manu qui a laissé Narcisse Laviotte fou de rage sur une aire de la Nationale. On allait s’expliquer quand Cazanbeau dans un relent de Chivas vomit la note salée du Minou sur la moquette pourpre. Éjecté “Manu” militari, Cazanbeau est cul sur l’asphalte et le bolide a disparu.

De son côté, Huguette n’est pas vraiment surprise quand, au petit-déjeuner, le commissaire annonce qu’il quitte l’auberge. Regards gourmands, frôlement insistant, elle a forcé sur les signes d’intérêt pour un homme visiblement touché par son jeu séducteur mais contraint de se donner tout entier à son métier. Le commissaire partira pressé de s’éloigner… trop pressé. Dans un virage en épingle, il s’encastre dans un tracteur. La mort est instantanée.

Nadine Koekelberg, collègue de feu Malva, clôturera l'affaire avec célérité. En bref : décidés à se venger de Cazanbeau, "Rouflaquettes" et Céline, amis d'enfance, s'étaient ligués. Mais prise de remords pour les morts empoisonnés, Céline voulait se dénoncer. "Rouflaquettes" l'a tuée, signant de leurs ADN le ponton d'un lac sacrifié.

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